Comment l’internet a changé notre rapport à l’argent.

Comment l’internet a changé notre rapport à l’argent.

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David Purkis
Responsable marque & comm

On est en janvier — tenez-vous bien — 2023.

On va réfléchir à ça avant de commencer…

à parler…

d’argent.

On le sait, vous aimeriez mieux ne pas y penser. Mais on devrait au moins commencer à parler d'argent, et de la façon dont l’internet a changé (ou non) notre rapport à l’argent. Et vous savez quoi : le meilleur moment pour se lancer, c’est là. On est tous cassés à cause des fêtes, l’inflation est en train de détruire nos économies, et on parle d’une potentielle récession.

« Wow David, belle façon de tuer l'ambiance. » Ok, oui, mais quelqu'un devait le faire. Pourquoi, vous pensez ? Bonne question. Tout ça a commencé avec Julie, la vice-présidente du marketing chez oxio. On parlait de notre rapport à l'argent et, en fait, Julie a juste laissé tomber ça :

Hier soir, [mon mari et moi] avons parlé du fait qu’on devait parler d'argent. Et là, on a parlé du fait qu’il fallait prévoir du temps pour parler d'argent. La conversation nous a pris à peu près deux heures, et on n’avait même pas commencé à parler d'argent.

Ok, clairement certains d’entre nous préfèrent ne pas parler d'argent. Mais…

En moyenne, les Canadiens polis et responsables que nous sommes sont pas les pires en ce qui concerne le niveau de connaissance de notre propre argent. Pour vrai, on a demandé :

  • 70 % des Canadiens connaissent exactement le montant de leurs factures mensuelles. Bravo à l'Alberta, vous êtes au-dessus de la moyenne à 76 %. Ça grimpe même jusqu'à 80 % si vous avez plus de 55 ans.
  • 25 % des Canadiens connaissent le montant de certaines de leurs factures, mais pas toutes. C’est un peu gênant. Comment on choisit lesquelles on suit ?
  • Même si on ne connaît pas exactement le montant de toutes nos factures, 89 % d'entre nous avons le sentiment que nos factures mensuelles sont trop élevées.
  • Et une personne sur quatre parmi nous paie pour des services ou des abonnements qu’elle a juste oubliés. Go, levez la main si ça vous est arrivé. Ça m’est clairement arrivé à moi. Mautadines d’abonnements qui se renouvellent automatiquement.

Sérieusement, c’est pas le pire. Mais la vraie question est la suivante : est-ce que notre rapport à l'argent a changé, et est-ce que l'internet a quelque chose à voir avec ça ?

La réponse courte — on aime nos TL; DR — est oui.

L’internet a changé notre rapport à l'argent de plusieurs façons assez évidentes :

  • Vous rappelez-vous des guichets automatiques ? Les guichets qui ont conquis le monde il y a quelques années ? Ça, c’était juste le début.
  • Quatre mots : services bancaires en ligne. Pouvez-vous même imaginer ne pas pouvoir jeter un oeil sur VOTRE argent où et quand vous en avez envie ? (Même si c’est pas parce qu’on peut le faire qu’on le fait.)
  • On ne paie plus vraiment comptant et, selon certains, ça a rendu l'argent beaucoup plus facile à dépenser.
  • Il y a beaucoup plus de gens qui nous donnent des conseils financiers.

Ok, passons un peu de temps à parler de chaque point. Et comme toujours, nous, on va donner notre petit grain de sel.

Cette section-là est courte : les guichets.

Ils existent depuis un certain temps maintenant — depuis 19671 ou 19692 selon la personne à qui vous demandez — et ont été le premier pas vers la numérisation de l'argent dans le monde. Les guichets automatiques ont facilité le retrait et le dépôt de notre argent. Plus besoin de faire la file pour parler à un caissier. Plus besoin d'attendre que la banque soit ouverte. Plus besoin d'aller à votre banque. Le guichet automatique a vraiment été la première étape pour nous habituer à interagir avec des machines pour acheter des choses. Pour le meilleur ou pour le pire, les cinémas, les épiceries, les pharmacies, les transports en commun — tous misent maintenant beaucoup sur leur propre version du guichet automatique pour nous vendre des affaires.

Les guichets automatiques ont aussi permis aux banques de commencer à nous facturer de l'argent pour retirer notre propre argent. Et maintenant, elles touchent — je dis touchent parce qu’elles le méritent certainement pas — des milliards de dollars par année grâce aux frais.3 Les petites maususses. Tout ça pour dire que les guichets automatiques ont radicalement changé la façon dont on interagit avec nos institutions financières et notre argent. Ils ont même, quand vous y pensez, supprimé une interaction assez importante qui nous obligeait à parler de notre argent, à vérifier le solde de notre compte, et à poser des questions à des personnes qui savent vraiment de quoi elles parlent.

En parlant de gens qui savent vraiment de quoi ils parlent…

Grâce à l’internet, c’est devenu vraiment très facile de trouver des conseils financiers de nos jours. Qu’on le veuille ou pas, on est constamment influencés par les personnes qu’on suit sur les réseaux sociaux. Les articles que les algorithmes choisissent pour nous. Nos amis et notre famille (rien de neuf). Ce qui est nouveau, c'est le manque de conseils financiers de la part de personnes qui savent de quoi elles parlent. Faire toutes nos opérations bancaires en ligne est certainement pratique, mais ça signifie qu’on parle rarement aux individus qui travaillent réellement dans le secteur financier à moins qu’on cherche activement à les trouver. Donc oui, on a accès à plus d'opinions, mais ces opinions-là pourraient carrément avoir un effet négatif sur la façon dont on gère notre argent.4

Comment, vous pensez ? Selon Alan Wolberg, planificateur de patrimoine senior à la City National Bank, aux États-Unis, la technologie influence négativement nos décisions financières de plusieurs façons :

Le tribalisme sur les réseaux sociaux :

C’est assez bien documenté et accepté : on a tendance, grâce aux algorithmes des sites qu’on fréquente, à choisir des informations et à nous identifier à celles qui correspondent à ce qu’on pense déjà savoir. Ça peut affecter notre comportement financier en renforçant nos mauvaises habitudes, ou en nous convainquant d'essayer quelque chose de nouveau qui peut ou non être dans notre meilleur intérêt. Allô, la crypto ?4

Compter sur les médias sociaux ou les blogs pour, euh, tout :

Un peu plus de 57 % des Canadiens s'informent sur les réseaux sociaux. Et pour ceux d'entre nous qui ont moins de 34 ans, ça oscille autour de 65 %.5 Ok : on est les premiers à convenir que l'internet a facilité l'accès à l'information, et c'est une bonne chose. Mais comme plus de la moitié d'entre nous faisons confiance à tout ce qu’on lit, entend ou voit en ligne, on pense aussi qu’on peut tous faire un meilleur travail de vérification des infos qu’on obtient en ligne.6 Ma mère m'a toujours dit de ne pas croire tout ce que je lisais. Elle avait (et a toujours) raison. Les informations qu’on obtient sur l’internet (des blogs, des médias sociaux, des influenceurs, etc.) peuvent ne pas être fiables et conduire à des décisions assez louches. Ça peut avoir des conséquences bien réelles, surtout en ce qui concerne notre argent.

Les achats en ligne et l'intelligence artificielle font un duo puissant :

Le magasinage en ligne est une magnifique chose. Mais c’est aussi une horrible, affreuse, terrible chose. En 2020, 82 % d'entre nous, Canadiens, avons fait des achats en ligne pour un total d'environ 84 milliards $. C’est une augmentation assez épique par rapport aux 57 milliards $ qu’on a dépensés en 2018.7

On connaît tous les avantages des achats en ligne : ne pas avoir à se rendre dans un magasin, tout le choix du monde et, bien sûr, les avis. (Plus d'info là-dessus dans notre article : Comment Internet a démocratisé les avis.) Mais les inconvénients sont assez réels merci : les achats impulsifs, les articles suggérés que vous pourriez également aimer, les montants de commande minimum pour la livraison gratuite et le fait de ne jamais échanger d'argent réel et physique font que c'est plus facile de dépenser plus, et sans y penser.8

L'argent est devenu beaucoup trop facile à dépenser.

Ok, mais ça change quoi que l’argent électronique soit plus facile à dépenser ? Il faut faire tourner l'économie, non ? Oui, genre, d’une certaine façon, mais pas vraiment non plus.

Notre recours accru à la monnaie électronique (cartes de débit, crédit, paypal, etc.) a des avantages. C'est pratique et, théoriquement, ça nous permet de suivre nos dépenses en temps réel. Même si… c’est pas parce qu’on peut le faire qu’on le fait.

Au fur et à mesure qu’on remplace les billets en papier par leur équivalent intangible, notre façon d’évaluer notre argent change.4 Autrement dit : plus on va vers la technologie, moins on accorde de valeur à notre argent. Vous souvenez-vous de notre ami Alan Wolberg ? Lui et Angie O'Leary de la RBC disent ceci :

Plus les gens s'éloignent de leur argent, moins ils sont portés à penser à combien ils dépensent et économisent. Alan Wolberg et Angie O'Leary, planificateurs de patrimoine à la RBC4

Alan et Angie ont découvert qu'au fur et à mesure que les transactions prennent la forme d’une carte à puce ou d’un téléphone qu’on tapote sur un terminal plutôt qu’un échange d'argent liquide, on perd notre capacité à évaluer et à suivre combien on dépense réellement. Évidemment, on pourrait juste ouvrir notre application bancaire, mais qui fait ça régulièrement ? C’est trop terrifiant.4

Les bons côtés : oui, la technologie a amélioré certaines choses.

Pour vrai. Au moins ici, au Canada, l’internet nous a en fait aidés à économiser davantage. Pendant que plus de la moitié des Américains (57 %) ont moins de 1000 $ d'économies et que plus d'un tiers n'ont pas d’épargne du tout, nous, au Canada, on se débrouille un peu mieux. En moyenne, on a environ 1000 $ d'économies par personne, et 69 % d'entre nous avons un fonds d'urgence supplémentaire pour couvrir les imprévus. Et non seulement ça : les Canadiens de 18 à 34 ans épargnent encore mieux que les autres : 70 % ont déjà suffisamment d'argent épargné pour couvrir deux mois de dépenses. Comment c’est possible? En fait, il se trouve que la technologie a facilité l'épargne. On peut désormais déposer automatiquement notre argent durement gagné dans nos comptes d'épargne, et il y a un nombre ridicule d'applications qui nous aident à établir un budget, à suivre nos dépenses et à vérifier notre situation financière.9

Mais bon, ça ne signifie pas forcément qu’on y prête attention. Même avec toutes ces bonnes nouvelles-là, les bons vieux Alan et Angie de la RBC continuent de dire que « généralement, la technologie ne rend pas les gens meilleurs à économiser, mais meilleurs à dépenser. »

Un Canada sans cash ?

Wô. Emballez-vous pas. Pendant la pandémie (on le sait : on dirait que c’est impossible d’écrire un article sans parler de la pandémie), l'utilisation de l'argent liquide dans les transactions quotidiennes a diminué, mais l'utilisation de l'argent liquide comme véhicule d'épargne — probablement caché dans un matelas, un tiroir de bas blancs ou un coffre-fort — a grimpé, incertitude économique oblige. Concrètement, ça s’est traduit par une augmentation des retraits en espèces au cours des premiers jours de la pandémie de COVID-19.10

La raison ?

Les crises, ou les crises perçues, sont souvent liées aux préoccupations des gens concernant l'accès à l’argent liquide aux guichets automatiques ou aux banques pendant les bouleversements économiques. Josh Nye, économiste principal chez RBC Economics.10

Les gens, moi y compris, ont tendance à penser que l'argent en espèces appartient au passé. Mais… non.

« Oui, mais la crypto ! », que vous vous dites probablement. Sachez que vous pouvez tout lire à ce sujet dans notre article : Alors, la crypto-monnaie est-elle une bonne idée ou quoi ?

Les crime binne d’abonnements.

Bon, ok, mauvaise transition. En tous cas…

Gardez ça en tête :

Une personne sur quatre parmi nous paie pour des services ou des abonnements qu’elle a juste oubliés. Go, levez la main si ça vous est arrivé. Ça m’est clairement arrivé à moi. Mautadines d’abonnements qui se renouvellent automatiquement. (Oui oui, on se cite nous-mêmes.)

Sûrement rien de très surprenant — vous avez probablement au moins un abonnement pour quelque chose. Netflix ? Prime ? Des couches ? Des boîtes-repas ? Une application ou deux ? Des jeux ? Des logiciels ? De la musique ? On peut s’abonner à à peu près n’importe quoi ces jours-ci. Et, soyons francs, ça rend la vie assez pratique. Qui n'aime pas pouvoir regarder les huit Harry Potter sur demande ?! Personne, mais rappelons que ces abonnements-là sont aussi très faciles à commencer, et tout aussi faciles à oublier. Autrement dit, ils vous aident à dépenser votre argent sans même y penser.

L'année dernière, « l'économie des abonnements » (oui oui) a récolté 650 milliards $ et d'ici 2025, elle atteindra environ 1,5 billion $.11 Pas rien. Comment on explique cette croissance-là, assez épique? À part l’aspect pratique :

Dans l’industrie des abonnements, la responsabilité incombe désormais au client, de sorte que l'entreprise suppose que le client est satisfait du produit ou du service, et continuera de le facturer à perpétuité, sauf s’il décide d'annuler. Adam Levinter, fondateur et PDG de la firme torontoise Scriberbase et auteur de The Subscription Boom11

Et, comme on le sait tous, personne n'aime se désabonner. C'est gênant, et plate. C'est pour ça que plus de 85 % des Canadiens ont au moins un abonnement mensuel.12

Ceci était un aparté un peu random.

On est un peu sortis du sujet avec le truc de l'abonnement, mais ça reste un très bon exemple de la façon dont notre rapport à l'argent a changé. La technologie nous a simultanément permis de mieux suivre et de mieux ignorer notre argent. C’est pas rien.

Attendez. Est-ce qu’on vient de passer un article complet à parler de notre rapport à l’argent sans vraiment parler de comment parler d'argent ? Wô. Ça a l’air que Julie touchait quelque chose.

Merci à Julien Poirier-Malo, l'adaptateur de feu qui a encore réussi à traduire les textes de l’anglais au français sans en perdre l'esprit. C'est un art, ça. Oh, et merci à Julie, notre VP Marketing, pour l'inspiration et LE quote d'article.

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David Purkis
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